Imprimer en France, dans le cas de commandes publiques, ça étonne qui ?
Fondée voilà plus de 40 ans, la maison éponyme de Francis Loubatières fut reprise par Maxence Fabiani en 2005. Après plusieurs années à travailler aux maquettes des ouvrages, et différentes expériences personnelles dans l’édition, le rachat s’est opéré assez logiquement.
D’une structure très régionaliste, consacrée à l’Aude et la Haute-Garonne, elle s’est recentrée sur l’histoire et le patrimoine. Sans pour autant oublier ses liens avec l’Occitanie.
Dans cette fin des années 70, Francis Loubatières emboîte naturellement le pas au mouvement de défense de la langue occitane. Novateur, sur plusieurs sujets, il sera cependant rattrapé par d’autres publications d’éditeurs militants, qui s’emparèrent de ces sujets. « Son intérêt, intellectuel autant qu’économique, pour les deux départements découlait de son propre attachement à ces lieux », nous indique Maxence Fabiani.
La transition apportée, avec un catalogue pour moitié centré sur la région, au sens large, et le national, se décline désormais en essais, beaux livres et illustrés. « Éditeur était un souhait ancien : sans expérience ni diplôme, je n’avais d’autres choix que de créer ma propre maison », indique le directeur. « J’ai travaillé dans une imprimerie, dans le graphisme, et j’ai fait une formation à l’école Estienne. »
S’ensuit un stage chez Milan, côté fabrication : « On m’a toujours dit que pour aboutir à une petite fortune, dans l’édition, il faut commencer avec une grosse. J’avais des réticences, avant de voir passer des devis chez Milan : ce n’était pas si terrifiant… j’ai décidé de me lancer. »
Les éditions Maxence voient le jour — par dépit de n’avoir pas trouvé le nom génial qu’il imaginait — avec un intérêt prononcé pour l’image et la typographie. « J’ai rapidement failli couler, et quand ce fut redressé, j’ai conçu une seconde maison, dédiée à la photographie. C’est la même perspective économique que la poésie, mais avec des ouvrages plus chers à produire », plaisante-t-il.
Collaborant avec Francis Loubatières depuis des années, il entrera d’abord au capital avant de reprendre l’ensemble de la structure, mettant un terme à ses deux autres maisons. L’apprentissage sur le tas de la diffusion et des relations avec les librairies sera plus que formateur. Outre l’élargissement de la ligne éditoriale, il apportera des modifications substantielles. Ce sera la fin de la fiction, pour commencer.
« Nous n’étions pas attendus sur ce segment, et les ventes ne suivaient évidemment pas. Les auteurs ne manquent pas, et nous ont proposé de nombreux ouvrages, mais cela ne devenait plus possible d’investir de la sorte », analyse Maxence Fabiani. Le catalogue d’une douzaine de nouveautés par an, se réoriente strictement sur les essais, avec de nombreuses collaborations — institutions, musées, associations.
Des publications plutôt alimentaires, mais qui auront toujours entraîné « des rencontres passionnantes ». D’autant qu’ils restent construits avec la perspective d’une commercialisation en librairie et non seulement destinés à des entreprises.
« La moitié de notre résultat financier est composé de ces commandes, l’autre par les ventes en librairies. Sans se poser en parangon de vertu, nous faisons preuve d’une certaine éthique : pas question de toute accepter. Et plus encore, il faudrait imposer aux édiles une certaine conception de l’argent public. » Dans le cas d’un financement public, il se souvient en effet d’un responsable politique lui indiquant que l’argent étant versé, ils pouvaient bien imprimer en Chine si cela les amusait. « Imprimer en France avec de l’argent des impôts, ils sont encore nombreux à ne pas voir l’enjeu. »
En juin, la maison produira un ouvrage sur le peintre François Boisrond, dans le cadre d’une exposition au musée Paul Valéry de Sète. « Voilà trois ans qu’ils font appel à nous pour leurs catalogues, et ce sera encore un livre magnifique », s’enthousiasme l’éditeur.
Nicolas Gary
Crédits photos : ActuaLitté CC BY SA 2.0